Je ne pratique pas zazen,depuis cinquante ans, afin de vaincre l’insomnie. La fidélité à l’exercice me remet en contact avec un symptôme de l’état de santé fondamental de l’être humain, le silence intérieur ; lorsqu’on a pour point d’appui dans l’existence le silence intérieur, on ne souffre pas ou plus d’insomnie.
Je ne pratique pas zazen afin d’assumer le stress dans mon milieu familial ou professionnel. La fidélité à l’exercice ouvre sur ce que le maître zen désigne comme étant la vraie nature de l’être humain, domaine du calme intérieur.
Lorsque, dans le quotidien, on a pour point d’appui le calme intérieur
on peut embrasser la plupart des situations qui se présentent sans se
stresser. Et si - parce que être humain nous sommes - il nous arrive de
rechuter dans l’agitation, l’impatience, l’irritabilité, la fidélité à l’exercice permet de retrouver sans tarder la sérénité momentanément perdue.
Je ne pratique pas zazen afin d’être plus performant, plus efficient. La fidélité à l’exercice libère
l’homme qui, face à l’action qu’il doit entreprendre, est soucieux,
anxieux, parce que animé par le désir de réussir à tout prix auquel
s’associe la crainte d’échouer. La fidélité à l’exercice m’apprend à faire bien ce que j’ai à faire avec le sentiment d’avoir infiniment de temps intérieurement en le faisant.
Dans le domaine thérapeutique on distingue la médecine étiologique, qui a pour but de trouver et de soigner les causes d’une maladie et la médecine symptomatique qui a pour but, autant que possible, d’éliminer les manifestations diagnostiquées d’une maladie, qu’elle soit physique, psychique ou psycho-somatique.
Depuis plus de vingt-cinq siècles, la méditation appelée zazen a sa place dans les différentes médecines étiologiques proposées en Orient et en Extrême-Orient.
Siddharta Gautama, considéré comme étant le fondateur de la méditation appelée zazen
au Japon, est interpellé par ce qu’il envisage être la maladie propre à
l’être humain: l’angoisse et les états qui l’accompagnent; parmi
lesquels cet état d’être soucieux, l’inquiétude latente, la peur
souterraine dont souffrent tant de nos contemporains. Les symptômes
majeurs qui dénoncent ce mal-être étant l’agitation intérieure, la
nervosité, l’insomnie, le stress, la dépression, le burn-out.
La cause de cette maladie ? Pour le Bouddha, comme pour la lignée des
maîtres zen, la cause est la distance que l’homme prend avec sa vraie
nature, l’inné que chacun est. Lorsqu’il s’identifie à l’ego - Moi, je crois que je suis ce que je pense que je suis - l’homme vit séparé de sa vraie nature d’être humain.
Zazen n’est autre que l’exercice de la dés-ego-centration.
Je trouve dommage et dommageable que la méditation ancestrale (zazen),
qui s’attaque à la cause de l’angoisse, semble aujourd’hui destituée au
profit d’une méditation dite moderne, dont le but est réduit à
l’effacement éphémère de quelques symptômes, sans un regard sur la vraie
cause du mal-être de l’homme.
« Zazen n’a pas pour but de guérir le Moi qui souffre ; zazen a pour but de guérir du Moi, qui est la cause de la souffrance » (K.G. Dürckheim)
Quel médecin se permettrait, lorsque existe une médecine reconnue comme étant étiologique, de la réduire au niveau d’une médecine symptomatique ?
Zazen? S’asseoir, dans l’espace vécu et le temps vécu; absolument immobile, exercer la pleine attention à
« Je inspire, en ce moment et moi, je n’y suis pour rien » ;
« Je expire, en ce moment et moi, je n’y suis pour rien ».
C’est la méditation « sans objet » que d’aucuns jugent surannée et à laquelle ils semblent préférer une méditation aux « cent objectifs. »
Remonte de ma mémoire la réponse que m’a donné Graf Dürckheim lorsque je
lui ai posé la question: "Pouvez vous me donner une bonne raison pour
pratiquer zazen?" « Oui, parce que c’est l’heure ! ».
A celles et ceux qui pratiquent zazen je rappelle ce que disait le
maître zen Yuho Seki Roshi qui, chaque année revenait en Forêt Noire (où
était installé Graf Dürckheim) pour nous accompagner dans la pratique
de zazen : « Zazen ? Toujours commencer par s’introduire
familièrement dans l’acte de respirer; comme on entre dans l’eau d’un
lac, sans faire de vagues ! ».
Quant à Graf Dürckheim, il commençait souvent l’accompagnement de la pratique de zazen en disant « La respiration ! Cette action de l’être qui vous prend par la main pour rentrer à la maison … ».
La fidélité à l’exercice ! Pourquoi ?
Seule la pratique régulière vous donnera la réponse à cette question. La
réponse, lorsqu’elle est donnée par le scanner, l’IRM, l’ECG et autres
mesures quantitatives enregistrées dans les laboratoires des sciences du
cerveau, ne sert pas le devenir de la personne. Savoir que le pain est
composé de farine, de sel et d’eau n’a jamais nourri celui qui a faim.
Zazen ? Cesser d’être juste une tête pour se mettre à l’écoute des enseignements qui nous sont donnés par «Le tout corps-vivant, dans son unité, que nous sommes» (Leib).
Jacques Castermane
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