Philosophe, sociologue, chercheur associé à l’EHESS, Frédéric Lenoir explore depuis 20 ans, à travers ses livres, les chemins de la sagesse pour un art de vivre contemporain. Son dernier essai, Du bonheur. Un voyage philosophique (Fayard), revient sur les sources de notre bonheur. Selon lui, c’est en cultivant l’essentiel, en empruntant le chemin du juste choix que nous trouverons d’avantage de joies et que nous les vivrons plus profondément.
Le bonheur durable est selon vous le fruit d’un travail sur soi.
La phrase de Gandhi « Soyez le changement que vous voulez dans le monde » est emblématique de notre époque. Changer le monde et notre mode de vie passe par une transformation intérieure pour être efficace et éviter les batailles d’ego. J’observe depuis quatre ou cinq ans, en même temps que montent la conscience écologique et les réactions à la société marchande, un rapprochement entre les spirituels, ces chrétiens ou ces bouddhistes qui s’engagent pour de grandes causes, et les militants politiques de l’altermondialisme, qui comprennent que leur combat a besoin d’être nourri d’un regard profond sur le monde. On ne peut prôner un nouveau modèle mondial fondé sur la solidarité et la coopération entre les êtres qu’à condition d’être témoin de ce que l’on dit et de travailler sur soi.
En quoi ce regard remet-il en cause notre mode de vie ?
Le progrès technologique nous a ouvert tous les possibles, mais on s’est encombré d’un tas de choses, surtout matérielles, et nous en voyons les limites. Nos modes de vie accélérés nous empêchent de nous relier à ce qu’il y a de plus profond en nous. Nous voulons tout faire et nous manquons de temps. Le besoin de simplifier sa vie est devenu criant. Cela peut passer par un tri de tous les objets inutiles, mais aussi de ses nombreuses relations, de ses multiples activités : une sélection pour prendre davantage de temps pour soi et retourner à l’essentiel. On ne peut tout faire en préservant la qualité.
À quel bonheur aspirons-nous ?
Les enquêtes mondiales se rejoignent : le premier pilier du bonheur est la qualité relationnelle dans la structure familiale et amicale, mais aussi la sphère sociale et professionnelle. Selon les pays, elle sera plus ou moins développée. L’Allemagne ou la Suisse sont par exemple bien plus avancées que la France sur des problématiques telles que le bien commun et le sens de l’intérêt général. Nous vivons dans un pays très individualiste, qui a du mal à trouver une unité nationale, où l’esprit corporatif domine sur le collaboratif. La deuxième condition est de s’épanouir dans son activité professionnelle. Même précaire, notre travail doit avoir un sens. L’argent comme unique finalité ne peut être source d’épanouissement. Enfin, il est primordial de se sentir bien dans son corps. Cela nous amène à faire des choix d’alimentation cohérents avec nos principes éthiques, en prenant plus de produits naturels, en limitant la viande – qui coûte cher –, en refusant d’acheter si l’on est sensible à la souffrance animale ce qui provient de l’élevage intensif. Le bonheur est le fruit d’un équilibre entre notre corps, nos valeurs et notre esprit.
Il est temps d’ajuster nos désirs au monde plutôt que le monde à nos désirs.
Cette philosophie stoïcienne nous invite à changer de regard : si nous exigeons du monde qu’il se plie à nos désirs, nous serons perpétuellement frustrés. L’homme a tendance à toujours vouloir plus, plus grand, plus beau. Nous sommes dans une boulimie du tout faire, tout avoir. La clé de la sagesse est donc l’allégement, l’autolimitation de nos désirs, en les ajustant au monde tel qu’il est : limité et en crise. Cultiver l’essentiel, c’est ce à quoi nous invitent tous les courants de sagesse du monde, des stoïciens aux bouddhistes, en passant par Spinoza, Montaigne… et Jésus. En empruntant ce chemin du juste choix, nous trouverons davantage de joies et nous les vivrons plus profondément.
source : La Vie
Le bonheur durable est selon vous le fruit d’un travail sur soi.
La phrase de Gandhi « Soyez le changement que vous voulez dans le monde » est emblématique de notre époque. Changer le monde et notre mode de vie passe par une transformation intérieure pour être efficace et éviter les batailles d’ego. J’observe depuis quatre ou cinq ans, en même temps que montent la conscience écologique et les réactions à la société marchande, un rapprochement entre les spirituels, ces chrétiens ou ces bouddhistes qui s’engagent pour de grandes causes, et les militants politiques de l’altermondialisme, qui comprennent que leur combat a besoin d’être nourri d’un regard profond sur le monde. On ne peut prôner un nouveau modèle mondial fondé sur la solidarité et la coopération entre les êtres qu’à condition d’être témoin de ce que l’on dit et de travailler sur soi.
En quoi ce regard remet-il en cause notre mode de vie ?
Le progrès technologique nous a ouvert tous les possibles, mais on s’est encombré d’un tas de choses, surtout matérielles, et nous en voyons les limites. Nos modes de vie accélérés nous empêchent de nous relier à ce qu’il y a de plus profond en nous. Nous voulons tout faire et nous manquons de temps. Le besoin de simplifier sa vie est devenu criant. Cela peut passer par un tri de tous les objets inutiles, mais aussi de ses nombreuses relations, de ses multiples activités : une sélection pour prendre davantage de temps pour soi et retourner à l’essentiel. On ne peut tout faire en préservant la qualité.
À quel bonheur aspirons-nous ?
Les enquêtes mondiales se rejoignent : le premier pilier du bonheur est la qualité relationnelle dans la structure familiale et amicale, mais aussi la sphère sociale et professionnelle. Selon les pays, elle sera plus ou moins développée. L’Allemagne ou la Suisse sont par exemple bien plus avancées que la France sur des problématiques telles que le bien commun et le sens de l’intérêt général. Nous vivons dans un pays très individualiste, qui a du mal à trouver une unité nationale, où l’esprit corporatif domine sur le collaboratif. La deuxième condition est de s’épanouir dans son activité professionnelle. Même précaire, notre travail doit avoir un sens. L’argent comme unique finalité ne peut être source d’épanouissement. Enfin, il est primordial de se sentir bien dans son corps. Cela nous amène à faire des choix d’alimentation cohérents avec nos principes éthiques, en prenant plus de produits naturels, en limitant la viande – qui coûte cher –, en refusant d’acheter si l’on est sensible à la souffrance animale ce qui provient de l’élevage intensif. Le bonheur est le fruit d’un équilibre entre notre corps, nos valeurs et notre esprit.
Il est temps d’ajuster nos désirs au monde plutôt que le monde à nos désirs.
Cette philosophie stoïcienne nous invite à changer de regard : si nous exigeons du monde qu’il se plie à nos désirs, nous serons perpétuellement frustrés. L’homme a tendance à toujours vouloir plus, plus grand, plus beau. Nous sommes dans une boulimie du tout faire, tout avoir. La clé de la sagesse est donc l’allégement, l’autolimitation de nos désirs, en les ajustant au monde tel qu’il est : limité et en crise. Cultiver l’essentiel, c’est ce à quoi nous invitent tous les courants de sagesse du monde, des stoïciens aux bouddhistes, en passant par Spinoza, Montaigne… et Jésus. En empruntant ce chemin du juste choix, nous trouverons davantage de joies et nous les vivrons plus profondément.
source : La Vie
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