À méditer
« Ce qui éclate, précisément, dans l'Agonie et dans la Croix du Seigneur, c'est cela : c'est que le mal est une blessure faite à son amour, comme, au contraire, le bien constitue ce mariage d'amour avec lui. Quand Camus, dans la Peste, oppose le supplice des enfants torturés par la peste et la révolte du docteur Rieux qui essaye de les sauver et qui, s'exprimant pour son compte, dit : "Mais le plus grand honneur qu'on puisse faire à Dieu devant un tel spectacle, c'est d’admettre qu'il n'existe pas."
Ce qu'on peut opposer à Camus, c'est justement que, si dans cet enfant il n'y avait pas un caractère sacré, s'il n'était pas protégé et magnifié par cette Présence divine, il n'y aurait pas de mal, il n'y aurait même pas un insuccès puisque, si l'univers était purement hasard et purement contingent, rien n'aurait de sens, il n'y aurait pas de direction privilégiée, il serait impossible de parler du mal.
Le mal ne prendra donc toute sa signification qu'au regard du mystique qui perçoit dans le mal une blessure faite à Dieu. Tous les maux finalement résultent d'une certaine absence de l'homme à Dieu.
C'est à partir de cette absence que le monde se désagrège, se défait, se décrée et n'arrive plus à trouver sa profonde signification. Si donc on veut remonter le courant du mal, il faut retrouver le sens du mariage ; le sens de l'union nuptiale avec Dieu ; le sens d'une vocation, issue de l'Esprit, de s'évacuer, d'atteindre à sa libération en devenant Dieu à la manière de Dieu : par un suprême dépouillement. »
Ce qu'on peut opposer à Camus, c'est justement que, si dans cet enfant il n'y avait pas un caractère sacré, s'il n'était pas protégé et magnifié par cette Présence divine, il n'y aurait pas de mal, il n'y aurait même pas un insuccès puisque, si l'univers était purement hasard et purement contingent, rien n'aurait de sens, il n'y aurait pas de direction privilégiée, il serait impossible de parler du mal.
Le mal ne prendra donc toute sa signification qu'au regard du mystique qui perçoit dans le mal une blessure faite à Dieu. Tous les maux finalement résultent d'une certaine absence de l'homme à Dieu.
C'est à partir de cette absence que le monde se désagrège, se défait, se décrée et n'arrive plus à trouver sa profonde signification. Si donc on veut remonter le courant du mal, il faut retrouver le sens du mariage ; le sens de l'union nuptiale avec Dieu ; le sens d'une vocation, issue de l'Esprit, de s'évacuer, d'atteindre à sa libération en devenant Dieu à la manière de Dieu : par un suprême dépouillement. »
Extrait d'une conférence de Maurice Zundel donnée au Cénacle de Paris en février 1974
À écouter : Haydn, Sept dernières paroles du Christ en croix
Le succès de ses Sept dernières paroles du Christ en croix est tel pour Haydn qu’il en écrit plusieurs versions : pour orchestre, pour quatuor à cordes, pour piano seul, et enfin, la plus ambitieuse, sous la forme d’un oratorio pour chœur, orchestre et voix solistes. Signe de la renommée européenne de Haydn, la commande vient de Cadix en 1786, pour l’office du Vendredi saint de l’église Santa Cueva. À chaque parole du Christ citée par un prêtre correspond un accompagnement, une illustration musicale. « Ce ne fut pas tâche aisée que de composer sept adagios durant chacun près de dix minutes, l’un après l’autre, sans lasser les auditeurs », commente Haydn. L’ouverture de l’œuvre est certes dramatique, avec ses rythmes pointés et ses silences, mais la suite est empreinte de lumière et d’optimisme. L’œuvre s’achève sur un spectaculaire et triomphal « Tremblement de terre » : la passion trouve là une expression quasi romantique dans les tourments du Sturm und Drang… (ou « orage et passion », ce courant littéraire allemand du XVIIIe, dont le but était d'émouvoir profondément, de donner le frisson).
Joseph Haydn, Les sept dernières paroles du Christ en croix, Le Concert des Nations, Jordi Savall, Alia Vox, 2007
Bonus musical : Bach, Passion selon Saint Matthieu
La Passion selon Saint Matthieu, chef d’œuvre du cantor de Leipzig crée en 1736, s’impose d’abord par son ampleur et son ambition. Ecrite pour double chœur, elle exige un double orchestre ainsi que deux orgues : un véritable défi logistique, au concert comme au disque – il n’est en effet pas évident de rendre les effets de reliefs et de spacialisation dont un auditeur assis dans une église pourrait profiter. Ce qui n’empêche pas les moments d’imploration plus intimes et introspectifs. L’écriture alterne en effet les aria concertants qui font dialoguer voix et instruments solistes en un échange parfois quasi amoureux, et les chorals d’une majestueuse verticalité. Le célèbre air d’alto « Erbarme dich, mein Gott » (« Aie pitié de moi mon Dieu ») en est l’un des exemples les plus saisissants. La ligne mélodique chantée s’entremêle à celle d’un violon soliste, toutes deux n’en finissant pas de s’épouser, se séparer, pour se retrouver enfin.
Jean-Sébastien Bach, Passion selon Saint Matthieu, Rias Kammerchor, Akademie für alte Musik Berlin, René Jacobs, Harmonia Mundi, 2013. En concert le 14 avril à la Philharmonie de Paris.
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