Il est son frère en pauvreté. Elle est sa « petite plante ». Il chante la Création, elle atteste que la vie est un don de Dieu. Pendant quinze ans, un lien de respect et de tendresse les unit...
Ils étaient obligés de se rencontrer, non seulement parce que tous deux vivaient à Assise, qui ne comptait à l'époque guère plus de 250 habitations, mais parce qu'ils aspiraient l'un comme l'autre à cette joie d'en haut qui fait chanter le monde. En dépit des années qui les séparent, ils ont en commun la détermination, la ferveur et un amour de Dieu qui leur commande de tout quitter, de choisir la totale pauvreté afin de se livrer à l'essentiel.
Petite fille, peut-être a-t-elle vu passer dans la belle cité un jeune homme aimant les fêtes ou entendu conter ses exploits chevaleresques. Plus tard, lorsqu'il s'est converti, certainement l'a-t-elle écouté prêcher. Quand, en 1210, il s'est établi sur ce lopin de terre nommé la Portioncule, elle a reçu un appel irrésistible à rejoindre les Frères mineurs, dont le pape Innocent III venait d'approuver la règle. L'évêque Guido a dû jouer les intermédiaires, et Rufin, le cousin de Claire, qui venait de rejoindre la communauté, a donné l'exemple.
Mais plus que tout, c'est son cœur qui a parlé. Le cœur d'une jeune aristocrate qui refusait de se marier en dépit de son allure gracieuse. Quant à François, une intuition lui était venue alors qu'il réparait, en 1206, le sanctuaire de Saint-Damien : ce lieu allait accueillir des femmes qui suivraient la même voie de dépouillement que lui, celles qu'il appellera les « Pauvres Dames » et que l'on nomme aujourd'hui clarisses.
De 1210 à 1212, François et Claire ont dû s'entretenir souvent, avant que celle-ci ne s'engage définitivement sur le rude chemin de la pauvreté et de la réclusion. La décision est prise la nuit qui suit le dimanche des Rameaux de l'an 1212, Claire s'enfuit de la maison paternelle avec une petite escorte. Franchissant les murailles d'Assise, le groupe descend vers la Portioncule, où François et ses frères attendent. La profession des vœux religieux a lieu dans l'église : Claire est pieds nus, revêtue de hardes, une corde pour ceinture, et François coupe ses beaux cheveux. Dès le lendemain, les parents alarmés viennent rechercher leur fille, mais ils reçoivent de sa part un refus énergique. Quelques jours après, Catherine, la sœur cadette, rejoint Claire. Les jeunes filles, d'abord hébergées chez les Bénédictins, s'établissent à Saint-Damien. Elles suscitent rapidement des vocations dans les alentours.
À la communauté dont Claire devient abbesse à 21 ans, les Frères mineurs fourniront un appui tant matériel que spirituel, remplissant l'office de chapelains et allant quêter sur les chemins pour assurer une maigre subsistance. À Saint-Damien, la règle est très austère : vie cloîtrée, jeûne, silence et prière ; mais ce qui surpasse tout est la louange. Ainsi, Claire recommande aux sœurs qui peuvent sortir de louer le Très-Haut « quand elles voient de beaux arbres fleuris et feuillus », et de faire de même « à la vue des hommes et des autres créatures ». Une incessante action de grâce illumine son existence comme celle du Poverello.
Pendant quinze ans, ils entretiennent un lien de respect et de tendresse, où les âmes s'approchent avec délicatesse. Il est son père spirituel, son frère en pauvreté, son guide exigeant et bienveillant. Elle est sa « petite plante », mais une plante résistante, droite et vive. Il chante la Création, elle atteste que la vie est un don de Dieu. Abbesse, elle se plaint de la rareté de ses visites ; lui, maigre, malade, sans plus de ressemblance avec le fougueux jeune homme qu'il fut, confie que le visage de Claire est l'un des deux seuls visages féminins qu'il ait contemplés en ce monde...
Claire ne vit pas à l'ombre de François, mais tous deux respirent dans la lumière de Dieu, comme en témoigne un épisode des Fioretti. Répondant enfin à la demande de Claire, François lui accorde de partager un repas avec elle à la Portioncule, où elle n'est pas revenue depuis sa prise d'habit. Avant le repas, François se met à parler de Dieu de façon si merveilleuse que les convives entrent en ravissement et une lumière si forte rayonne au-dessus du monastère que les gens d'alentour accourent avec des seaux d'eau, croyant à un incendie... Lorsqu'en 1224 le Poverello revient du mont Alverne où il a reçu les stigmates, on lui construit une hutte à proximité de Saint-Damien où Claire vient le soigner et veiller sur lui. François compose alors le Cantique du soleil. L'ultime consolation de Claire sera, en 1226, de se recueillir sur la dépouille de son vénéré Père : le cortège funèbre fera un détour pour s'arrêter à Saint-Damien.
L'abbesse vivra encore vingt-sept ans. Elle se montre endurante et ferme autant que douce et humble. Dès 1216 elle avait obtenu du pape le « privilège de la pauvreté », qui sera confirmé en 1228. En 1252, elle rédige la première règle monastique composée par une femme. Puis, en août 1253, la vaillante « petite plante » rejoint son ami François au jardin du Bon Dieu.
Jacqueline Kelen
Petite vie de Claire et François d'Assise
1182 Naissance de François à Assise.
1193 Naissance de Claire à Assise.
1207 Conversion de François qui commence à prêcher sur les routes.
1210 Rencontre de Claire et François.
1212 Claire débute sa vie religieuse.
1226 Mort de François.
1253 Approbation de la Règle de Claire par le pape Innocent IV. Mort de Claire.
Ils étaient obligés de se rencontrer, non seulement parce que tous deux vivaient à Assise, qui ne comptait à l'époque guère plus de 250 habitations, mais parce qu'ils aspiraient l'un comme l'autre à cette joie d'en haut qui fait chanter le monde. En dépit des années qui les séparent, ils ont en commun la détermination, la ferveur et un amour de Dieu qui leur commande de tout quitter, de choisir la totale pauvreté afin de se livrer à l'essentiel.
Petite fille, peut-être a-t-elle vu passer dans la belle cité un jeune homme aimant les fêtes ou entendu conter ses exploits chevaleresques. Plus tard, lorsqu'il s'est converti, certainement l'a-t-elle écouté prêcher. Quand, en 1210, il s'est établi sur ce lopin de terre nommé la Portioncule, elle a reçu un appel irrésistible à rejoindre les Frères mineurs, dont le pape Innocent III venait d'approuver la règle. L'évêque Guido a dû jouer les intermédiaires, et Rufin, le cousin de Claire, qui venait de rejoindre la communauté, a donné l'exemple.
Mais plus que tout, c'est son cœur qui a parlé. Le cœur d'une jeune aristocrate qui refusait de se marier en dépit de son allure gracieuse. Quant à François, une intuition lui était venue alors qu'il réparait, en 1206, le sanctuaire de Saint-Damien : ce lieu allait accueillir des femmes qui suivraient la même voie de dépouillement que lui, celles qu'il appellera les « Pauvres Dames » et que l'on nomme aujourd'hui clarisses.
De 1210 à 1212, François et Claire ont dû s'entretenir souvent, avant que celle-ci ne s'engage définitivement sur le rude chemin de la pauvreté et de la réclusion. La décision est prise la nuit qui suit le dimanche des Rameaux de l'an 1212, Claire s'enfuit de la maison paternelle avec une petite escorte. Franchissant les murailles d'Assise, le groupe descend vers la Portioncule, où François et ses frères attendent. La profession des vœux religieux a lieu dans l'église : Claire est pieds nus, revêtue de hardes, une corde pour ceinture, et François coupe ses beaux cheveux. Dès le lendemain, les parents alarmés viennent rechercher leur fille, mais ils reçoivent de sa part un refus énergique. Quelques jours après, Catherine, la sœur cadette, rejoint Claire. Les jeunes filles, d'abord hébergées chez les Bénédictins, s'établissent à Saint-Damien. Elles suscitent rapidement des vocations dans les alentours.
À la communauté dont Claire devient abbesse à 21 ans, les Frères mineurs fourniront un appui tant matériel que spirituel, remplissant l'office de chapelains et allant quêter sur les chemins pour assurer une maigre subsistance. À Saint-Damien, la règle est très austère : vie cloîtrée, jeûne, silence et prière ; mais ce qui surpasse tout est la louange. Ainsi, Claire recommande aux sœurs qui peuvent sortir de louer le Très-Haut « quand elles voient de beaux arbres fleuris et feuillus », et de faire de même « à la vue des hommes et des autres créatures ». Une incessante action de grâce illumine son existence comme celle du Poverello.
Pendant quinze ans, ils entretiennent un lien de respect et de tendresse, où les âmes s'approchent avec délicatesse. Il est son père spirituel, son frère en pauvreté, son guide exigeant et bienveillant. Elle est sa « petite plante », mais une plante résistante, droite et vive. Il chante la Création, elle atteste que la vie est un don de Dieu. Abbesse, elle se plaint de la rareté de ses visites ; lui, maigre, malade, sans plus de ressemblance avec le fougueux jeune homme qu'il fut, confie que le visage de Claire est l'un des deux seuls visages féminins qu'il ait contemplés en ce monde...
Claire ne vit pas à l'ombre de François, mais tous deux respirent dans la lumière de Dieu, comme en témoigne un épisode des Fioretti. Répondant enfin à la demande de Claire, François lui accorde de partager un repas avec elle à la Portioncule, où elle n'est pas revenue depuis sa prise d'habit. Avant le repas, François se met à parler de Dieu de façon si merveilleuse que les convives entrent en ravissement et une lumière si forte rayonne au-dessus du monastère que les gens d'alentour accourent avec des seaux d'eau, croyant à un incendie... Lorsqu'en 1224 le Poverello revient du mont Alverne où il a reçu les stigmates, on lui construit une hutte à proximité de Saint-Damien où Claire vient le soigner et veiller sur lui. François compose alors le Cantique du soleil. L'ultime consolation de Claire sera, en 1226, de se recueillir sur la dépouille de son vénéré Père : le cortège funèbre fera un détour pour s'arrêter à Saint-Damien.
L'abbesse vivra encore vingt-sept ans. Elle se montre endurante et ferme autant que douce et humble. Dès 1216 elle avait obtenu du pape le « privilège de la pauvreté », qui sera confirmé en 1228. En 1252, elle rédige la première règle monastique composée par une femme. Puis, en août 1253, la vaillante « petite plante » rejoint son ami François au jardin du Bon Dieu.
Jacqueline Kelen
Petite vie de Claire et François d'Assise
1182 Naissance de François à Assise.
1193 Naissance de Claire à Assise.
1207 Conversion de François qui commence à prêcher sur les routes.
1210 Rencontre de Claire et François.
1212 Claire débute sa vie religieuse.
1226 Mort de François.
1253 Approbation de la Règle de Claire par le pape Innocent IV. Mort de Claire.
1 commentaire:
Une belle histoire que celle de François et de Claire...
Saint François est définitivement le saint qui me "touche" le plus...
Il y a en lui une fraîcheur, un naturel, une tendresse et une sorte d'"enfance" qu'on ne retrouve chez aucun autre...
Enregistrer un commentaire