En voici un extrait :
Quels liens tissez-vous ou avez-vous tissés entre la poésie et la spiritualité ? Quel(s) sens faites-vous, d’ailleurs, porter à ce dernier mot ?
J’ai rencontré la spiritualité très précisément en l’an 2000, durant l’été. (J’aime me rappeler que cette rencontre s’est produite sous le signe d’un soleil à son zénith et à l’aube d’un nouveau millénaire !) Cela ne signifie pas qu’elle ait été totalement absente jusqu’alors. Cela veut juste dire que je l’ai croisée comme l’on aborde un ami familier et pourtant inconnu, pour reprendre une formule de Supervielle. Je venais de me plonger (presque par hasard) dans un livre de Matthieu Ricard traitant d’astronomie et de philosophie bouddhiste : L’Infini dans la paume de la main - Du big bang à l’éveil. L’auteur y dialoguait avec un astrophysicien. Cette lecture m’a foudroyée : j’ai vécu ce que l’on appelle une conversion – c’est-à-dire une révolution intime, un renversement de tous mes repères. Et en même temps, je n’en étais pas étonnée : c’est comme si je me réveillais enfin. Ce que je découvrais alors, je le savais confusément depuis toujours. L’évidence venait me rendre visite sous la forme d’un choc bienheureux, d’un bouleversement si total que j’ai vécu toute la semaine qui a suivi cet événement intérieur dans un bain de joie profonde, inaltérable. À cet instant, j’ai su que jamais plus je ne reviendrais en arrière : jamais plus les quelques années d’athéisme que je venais de vivre ne se représenteraient devant moi. Quelque chose de radical s’était produit. Cela n’avait rien à voir avec une quelconque croyance religieuse. Cela ne portait pas de nom, ne se référait pas au catéchisme appris dans mon enfance, mais cela existait d’une manière prodigieusement réelle.
Je pourrais dire qu’il s’agissait d’une conviction profonde, venue du plus profond de mon être… Cette profondeur me racontait que la matière des choses, dont notre corps fait partie, était aussi conscience, que la mort faisait partie du processus de la vie au titre d’un simple passage, d’une métamorphose parmi d’autres. Plus encore, je sentais que la conscience n’avait d’autre lieu qu’ici et maintenant, l’instant toujours renouvelé où se déploie cette interdépendance (des choses et des êtres) que l’on ne peut appréhender qu’en acceptant de sauter hors de la pensée. C’est pour l’essentiel ce vertige de l’esprit, pourtant parfaitement rassurant, que j’ai éprouvé jusque dans mon corps. A mes yeux, cette épreuve bénéfique relevait précisément de l’expérience symbolique définie par Maurice Blanchot. J’ai pu, par la suite, revivre maintes fois cette évidence intime, dans d’autres contextes – notamment celui de l’ashram dirigé par le regretté Arnaud Desjardins.
Dès lors, j’ai compris pourquoi tous les textes sacrés, quel que soit le dogme qu’ils ont pu engendrer malgré eux, étaient rédigés dans ce que j’appelle la langue de la poésie, la seule qui soit capable de dire l’indicible de telles expériences, par les moyens privilégiés de la métaphore et de l’oxymore. Je voyais clairement que s’ils voulaient décrire le monde réel, tous les mots courants qui définissent notre existence d’une manière plate et définitive devaient ainsi être révisés, retraversés par un souffle différent, qui puisse les rendre poreux, plus attentifs à leurs antonymes. Quant aux poèmes que je griffonnais depuis longtemps (et que je jetais régulièrement !), je m’apercevais, à présent, qu’ils avaient souvent eu l’antenne tendue vers cela que je venais de vivre. Je ne peux vous en dire davantage, tant ce que j’évoque ici relève de l’expérience intime, en deçà du langage de la communication. C’est ce que j’ai tenté de relater dans le poème “Froissement bruissement de feuilles accordées…”
Je pourrais dire qu’il s’agissait d’une conviction profonde, venue du plus profond de mon être… Cette profondeur me racontait que la matière des choses, dont notre corps fait partie, était aussi conscience, que la mort faisait partie du processus de la vie au titre d’un simple passage, d’une métamorphose parmi d’autres. Plus encore, je sentais que la conscience n’avait d’autre lieu qu’ici et maintenant, l’instant toujours renouvelé où se déploie cette interdépendance (des choses et des êtres) que l’on ne peut appréhender qu’en acceptant de sauter hors de la pensée. C’est pour l’essentiel ce vertige de l’esprit, pourtant parfaitement rassurant, que j’ai éprouvé jusque dans mon corps. A mes yeux, cette épreuve bénéfique relevait précisément de l’expérience symbolique définie par Maurice Blanchot. J’ai pu, par la suite, revivre maintes fois cette évidence intime, dans d’autres contextes – notamment celui de l’ashram dirigé par le regretté Arnaud Desjardins.
Dès lors, j’ai compris pourquoi tous les textes sacrés, quel que soit le dogme qu’ils ont pu engendrer malgré eux, étaient rédigés dans ce que j’appelle la langue de la poésie, la seule qui soit capable de dire l’indicible de telles expériences, par les moyens privilégiés de la métaphore et de l’oxymore. Je voyais clairement que s’ils voulaient décrire le monde réel, tous les mots courants qui définissent notre existence d’une manière plate et définitive devaient ainsi être révisés, retraversés par un souffle différent, qui puisse les rendre poreux, plus attentifs à leurs antonymes. Quant aux poèmes que je griffonnais depuis longtemps (et que je jetais régulièrement !), je m’apercevais, à présent, qu’ils avaient souvent eu l’antenne tendue vers cela que je venais de vivre. Je ne peux vous en dire davantage, tant ce que j’évoque ici relève de l’expérience intime, en deçà du langage de la communication. C’est ce que j’ai tenté de relater dans le poème “Froissement bruissement de feuilles accordées…”
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1 commentaire:
C’est beau de se laisser rencontrer par la poésie de la vie. Merci pour ce témoignage.
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