dimanche 14 décembre 2025

Elan de vie

 


« Au bout de tout, voici ce que j’ai saisi : la vraie vie n’est pas seulement ce qui a été donné comme existence ; elle est dans le désir même de vie, dans l’élan même vers la vie. Ce désir et cet élan étaient présents au premier jour de l’univers. Au niveau de chaque être cependant, ils sont fondés sur ce que son âme – par-delà les épreuves, les souffrances, les chagrins, les effrois, les blessures reçues ou infligées aux autres – aura préservé de sensations éprouvées, d’émotions vécues, d’inlassables aspirations à un au-delà de soi, de soifs et de faims aussi infinies que le besoin sans borne d’amour et de tendresse. »

—François Cheng —De l’âme

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samedi 13 décembre 2025

Le silence vivant.

 


Dans Seuils du silence, une chronique (Éditions les Grands Détroits, 2025), André Hirt évoque ses trois oncles alsaciens, enrôlés de force dans l’armée nazie, comme bien d’autres « malgré-nous », et revenus de la guerre avec tant d’horreur boueuse, glacée, dans le corps et dans l’âme, que seul le silence pouvait en dire quelque chose.

Pour celui qui vient après ce silence mais qui en procède, puisqu’il a été le paysage familier de son enfance, il n’est pas question de lui substituer un récit circonstancié, de s’introduire de force dans leur histoire. Comme l’écrivait Paul Celan, nul ne témoigne pour les témoins. Les mots engouffrés, le regard absenté, le retirement sont déjà, en soi, un témoignage. Le seul qui puisse dire quelque chose de la violence indicible qui a été vécue sans rémission possible.

À ceux qui vivront après ce silence, un devoir s’imposera : ne pas le trahir. André Hirt, à cette fin, n’écrit pas à la première personne mais recourt à la troisième, au « il », que la grammaire nomme le pronom de l’absence. Comme si parler du silence des trois frères, Georges, Paul et Adalbert, ne pouvait se faire que dans une forme d’absence à soi-même : « Il aura tout de même appris d’un savoir essentiel, mais ce n’est qu’un non-savoir que rien ni personne ne peut certifier, que même les témoins restent muets. Et que ce silence est leur parole. Elle demeure à jamais figée et inscrite sur leurs lèvres. »

Ce qu’il reste à celui qui vient après, c’est un mouvement qui ne se qualifiera ni d’amour ni de compassion mais qui a toutes les allures d’une nécessité intérieure, antérieure à toute science, à tout acte de foi, même : « Alors, lentement, en pensée, il s’assied en pleurs avec eux. »

Parce qu’il se situe en dehors de toute volonté démonstrative, et en dehors même de la foi ou de l’expression de la foi, ce livre d’André Hirt me renvoie profondément à ce en quoi je crois. Me tombent si souvent des mains les écrits qui débordent d’intention apologétique. Les dires saturés d’angélismes, exhibés comme des signes de reconnaissance, de complicité clanique.

Le Dieu d’Israël et de Jésus-Christ nous veut libres. S’il se cache, c’est pour que nous soyons son corps dans l’Histoire, que nous prenions notre responsabilité d’humains, que nous accomplissions sa promesse avec les moyens du bord. Ce Dieu-là n’a jamais demandé qu’on l’adore, qu’on le totémise, qu’on le fige dans le formol d’un formalisme exigu, vétilleux, de ces perfections qui à trop vouloir faire l’ange font imparablement la bête.

C’est là, dans le fil des jours, dans le cahot, l’impréparation et l’imprévisibilité du chemin cabossé, que les plus belles prières, les plus beaux actes de foi s’accomplissent, avec ou sans le nom de Dieu au cœur ou à la bouche. Peu importe, en un sens, puisque de toute façon, quoi qu’on veuille, quoi qu’on prétende faire, y compris se passer de lui, il est le commencement et la fin de tout.

Ce qui frappe à la lecture de la magnifique anthologie De la Bible au poème. De Marot à nos jours (Labor et Fides, 2025), composée par Philippe François, c’est la variété des voix et des chemins empruntés, les plus buissonniers n’étant pas les moins fervents. Les Écritures, le feu qui les traverse, l’amour qui cherche inlassablement à s’infuser, à s’inséminer en nous, par tous les moyens poétiques possibles, leur donnent une vitalité qui ne se borne pas à la dévotion et aux formes de piété recensées comme telles.

À partir du Psaume 89 (« Tu es une maison pour nous »), Frédéric Boyer, dans sa lumineuse préface, commente : « Ta Loi, tes Écritures sont une demeure. Une maison vécue et une maison désertée. Une maison parlée et hantée dans le silence vivant. » Les mots que nous disons ne deviennent parole que dans le rapport secret qu’ils nouent avec ce silence du Dieu qui les appelle.

Emmanuel Godo

Poète, il vient de publier Avec les grands livres. Actualité des classiques (Éditions de l’Observatoire).

source : La Vie

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vendredi 12 décembre 2025

Lumière

 

Décembre,

la nuit prend le pas sur le jour, l’obscurité sur la clarté.

Nous allumons des feux, des bougies pour illuminer nos longues soirées. Ce temps où l’obscur et le froid dominent nous incite à ralentir et à rentrer.

Nous pouvons entrer dans notre chambre la plus profonde et la plus cachée avec une attention non volontaire mais passionnée pour voir, sentir le soleil du cœur se lever. Le feu du cœur brûle d’un feu à la fois doux et intense, il peut varier du bleu au rouge jusqu’à la pure lumière blanche.

La lumière nous réconforte au sein de l’obscurité, même la plus noire, et du chaos.

Le recueillement auquel nous invite décembre est un temps propice pour retourner le regard vers la lumière interne. Lumière à l’origine de notre existence et de toutes les formes de vies dans l’univers – notre visage originel.

Célébrons ensemble la lumière qui gît au plus profond de nos cœurs « en qui clartés et ténèbres résident, c’est le Souverain même, nature innée de tous les êtres*. »

- Nathalie Delay

* Hymnes d’Abhinavagupta

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jeudi 11 décembre 2025

Sensibilité


Le désarroi dans lequel nous nous trouvons est en fait une aubaine : il témoigne de notre sensibilité. Ceux qui traversent la vie sans le moindre sentiment de détresse sont inconscients. La détresse induite par notre prise de conscience recèle un immense potentiel de transformation, un trésor d'énergie dans lequel nous pouvons puiser à pleines mains et que nous pouvons utiliser pour construire quelque chose de meilleur, ce que l'indifférence ne permet pas.

JIGME KHYENTSE RINPOCHE (b. 1964) - Transcrit par l'auteur d'après un conseil donné oralement.

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Mère et enfant devant le village et le monastère de Gangté, qui domine la belle vallée de Phobjika au Bhoutan. Décembre 2007 par Matthieu Ricard

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mercredi 10 décembre 2025

Qu'est-ce que la paresse ?


Quel est le problème avec la paresse ? Qu’y a-t-il de mal à simplement rester assis et à écouter un son lointain se rapprocher de plus en plus ? Ou rester au lit le matin à observer les oiseaux dans l'arbre voisin, ou à observer une seule feuille danser dans la brise alors que toutes les autres feuilles sont immobiles – qu'y a-t-il de mal à cela ? Nous condamnons la paresse parce que nous pensons que c’est mal d’être paresseux. Voyons donc ensemble ce que nous entendons par "paresse". 

Si vous vous sentez bien et que vous trainez au lit après une certaine heure, certaines personnes peuvent vous traiter de paresseux. Si vous ne voulez pas jouer ou étudier parce que vous manquez d'énergie, ou pour des raisons médicales, quelqu'un peut vous traiter de paresseux.   

Mais qu’est-ce que la paresse au juste ? 

Quand l'esprit n'a pas conscience de ses réactions, de ses propres mouvements subtils : un tel esprit est paresseux, ignorant. Mais si vous ne réussissez pas aux examens, si vous n’avez pas lu beaucoup de livres et si vous disposez de très peu d'informations, ce n’est pas de l’ignorance.   

La véritable ignorance, c'est de n'avoir aucune connaissance de vous-même, de n'avoir aucune perception du fonctionnement de votre mental, de vos motivations, de vos réactions. De même, il y a de la paresse lorsque l’esprit est endormi. Et l'esprit de la plupart des gens est endormi ; ils sont drogués par le savoir, par les Écritures, par ce que Shankara ou un autre a dit. Ils suivent une philosophie, ils pratiquent une discipline, de sorte que leur esprit, qui devrait être ouvert, libre et débordant comme une rivière, devient étroit, terne et las : un tel esprit est paresseux.   

Et un esprit qui est ambitieux, qui poursuit un résultat, n’est pas actif au vrai sens du terme. Bien qu’il puisse être superficiellement actif, travaillant toute la journée et mettant de la pression pour obtenir ce qu’il veut, en réalité cet esprit est lourd de désespoir et de frustration.  

Il faut donc être très vigilant pour savoir si l’on est vraiment paresseux. Ne vous contentez pas de l'accepter si les gens vous disent que vous êtes paresseux. Découvrez par vous-même ce qu'est la véritable paresse.   

L'homme qui se contente d'accepter, de rejeter ou d'imiter, et qui, par peur, s'enchaîne dans une routine, un tel homme est paresseux et donc son esprit se détériore et ne pense plus clairement. Mais un homme vigilant n’est pas paresseux, même s’il peut très souvent s’asseoir tranquillement pour observer les arbres, les oiseaux, les gens, les étoiles et la rivière silencieuse.

~ Jiddu Krishnamurti - This Matter of Culture, Chapter 18

(extrait d'une vidéo)

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mardi 9 décembre 2025

Mourir pour continuer à vivre. Le Rat de Terre – Wu Zi (戊子)

Depuis le 7 décembre, nous sommes entrés dans l’avant-dernier mois de l’année...


Voyons quels sont les éléments à notre disposition en cette période :
Wu (戊), la Terre Yang dans le Tronc Céleste, agit comme une sorte de couvercle, comme pour voiler ce qui se trame dans sa branche. Quoi qu’il en soit, pour ceux qui connaissent la métaphysique chinoise, cette Terre Yang évoque l’ancrage et la stabilité ; elle cherche à nous rassurer, à nous mettre en confiance. La Terre symbolise le collectif, elle fixe un cadre, assure la cohésion et la consolidation. Elle ralentit le cours des choses – d’ailleurs, l’image de ce binôme pourrait être celle d’un barrage sur l’eau, qui canalise le flux. Mais aura-t-elle la force de maîtriser cette eau, potentiellement trouble ?
Dans la Branche Terrestre du Rat Zi (子) se trouve justement cette Eau Yin, Gui (癸), alors que le Rat lui-même est un animal Yang. Cette branche cardinale ne comporte qu’un seul tronc caché, une eau pure, insaisissable, subtile et délicate. Elle ne transiverge pas, elle est déterminée dans la direction qu’elle souhaite prendre. Cela fait de ce rat, en apparence petit mais malin, un grand stratège grâce à son esprit vif et créatif. Cette branche du mois comporte une notion de mouvement, de communication, d’intuition, mais aussi de mystère. Cette eau est associée aux Reins, aux oreilles ; son émotion est la peur primaire, viscérale, instinctive. Son mouvement descendant nous entraîne vers le bas, comme s’il était nécessaire de lâcher prise. L’eau, source de vie, est nécessaire au grand nettoyage – un passage obligé pour que le cycle puisse recommencer avec le Bois. C’est aussi le moment de nous délester de ce qui ne nous appartient plus, d’opérer un nettoyage intérieur avant le début du prochain cycle.

Mourir pour continuer à vivre.
Ce binôme du mois renvoie l’image d’une montagne cachée dans la brume, mystérieuse. Notre instinct nous met en garde : le manque de cohérence apparent entre le Tronc et la Branche souligne la complexité de la période. Rien n’est tel qu’il paraît au premier abord. Ce mois nous demande de prendre le temps d’observer ce qui se passe sous la surface, pour discerner la vérité cachée.
C’est un mois pour s’entourer de personnes de confiance, de celles qui vous feront grandir sur le long terme. Ce mois nous invite à trouver notre propre stabilité, à penser à l’avenir sans nous laisser déstabiliser par nos peurs et nos émotions. C’est le moment de repérer les signes avant-coureurs, de prendre conscience de ce qui n’est qu’illusion et de ce qui constitue la vérité. En pleine connaissance de cause, nous pouvons alors agir. Peut-être est-il temps d’assumer la responsabilité de nos choix et, pourquoi pas, de laisser derrière nous ce dont nous n’avons plus besoin.
Pour tirer le meilleur parti de cette énergie de clôture et de purification, voici quelques conseils pratiques :
Pratiquez l'écoute : L'énergie de l'Eau est liée aux oreilles et à l'intuition. Prenez du temps dans le silence pour écouter – votre intuition, les non-dits dans vos relations, les murmures de votre corps. Ce qui émerge ainsi sera souvent plus révélateur que les apparences.
Faites un inventaire concret : L'énergie Terre du Tronc nous invite à la structuration. Listez ce que vous souhaitez clore : une habitude, une dette, un projet, une relation devenue toxique. L'écrire ancre l'intention et facilite le « grand nettoyage ».
Ralentissez pour mieux discerner : La Terre « ralentit le cours des choses » mais le courant sous-terrain peut aussi vous emporter. Résistez à l'impulsion de réagir vite. Face à une situation confuse, marquez une pause délibérée. La vérité cachée (la montagne dans la brume) a besoin de temps pour se révéler.
Renforcez votre ancrage : L'énergie Terre parle de stabilité mais pour contrer la peur instinctive de l'Eau, ancrez-vous avec des routines solides. Restez en contact avec la nature (la Terre), et en vous entourant de personnes fiables (le collectif).
Libérez par un rituel : Symbolisez la clôture ; brûler une vieille liste, ou simplement méditer en visualisant la libération d'un poids. Accorder une action concrète à l'intention spirituelle donne toute sa puissance à l'énergie du mois car ce mois nous demande tout de même d’agir.
En agissant ainsi, vous vous alignez consciemment avec le flux de ce mois puissant et devenez un acteur serein de la transition vers l'année du Cheval de Feu.
Mylene Wilks-Coste
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lundi 8 décembre 2025

Attente intemporelle

 


J'attends. J'ai attendu toute ma vie. J'attendrai toute ma vie. Je suis incapable de dire ce que j'attends ainsi. J'ignore ce qui peut mettre fin à une aussi longue attente. Je n'ai pas l'impatience de cette fin. Le présent est vécu, pleinement vécu, mais il est poreux, aérien. Ce que j'attends n'est rien qui puisse venir du côté du temps. Je ne peux m'expliquer là-dessus. Pourquoi devrait-on toujours s'expliquer ?

~ Christian Bobin -  Autoportrait au radiateur


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dimanche 7 décembre 2025

Conscience et science

 LA CONSCIENCE AVANT LA MATIÈRE : QUAND LA SCIENCE REJOINT LE TAO

Depuis toujours, les grandes traditions spirituelles — hindouisme, bouddhisme, taoïsme, mystique chrétienne ou soufie — partent d’un même constat : la conscience est première, la matière n’en est qu’une condensation.
Aujourd’hui, la physique commence à effleurer cette intuition.
La physicienne suédoise Maria Strømme a publié en 2025 dans AIP Advances un article intitulé Universal consciousness as foundational field: A theoretical bridge between quantum physics and non-dual philosophy.
Elle y propose un modèle où la conscience universelle serait un champ fondamental, d’où émergeraient l’espace, le temps et la matière. Autrement dit, l’univers serait une manifestation localisée d’un champ de conscience cosmique.
L’article est publié dans une revue réelle et reconnue de l’American Institute of Physics, mais de nature ouverte et spéculative : AIP Advances accueille des travaux théoriques innovants, sans exiger de validation expérimentale.
Il s’agit donc d’un texte sérieux dans sa forme, mais spéculatif dans son contenu. Strømme ne prouve pas que la conscience précède la matière : elle propose une formulation moderne et mathématique d’une intuition ancienne.
Là où la science théorise, les traditions spirituelles expérimentent. Le taoïsme, notamment, a élaboré une véritable méthodologie pour explorer ce champ de conscience par la méditation, le souffle et l’alchimie interne.

Quand des générations de pratiquants, après les mêmes exercices, décrivent les mêmes états et les mêmes transformations, on peut parler d’une science intérieure, fondée sur l’expérience répétée.
Le Dao De Jing l’exprime au chapitre 42 :
> 「道生一,一生二,二生三,三生萬物。」
Le Dao engendre l’Un, l’Un engendre le Deux, le Deux engendre le Trois, et le Trois engendre les dix mille êtres.
Ce passage n’est pas qu’une métaphore : il décrit un processus de condensation du principe indifférencié — le Dao — vers la polarité, puis vers la matière. C’est exactement le mouvement que Strømme tente d’exprimer en langage physique.
Cette convergence rappelle Le Tao de la Physique de Fritjof Capra, qui montrait déjà que plus la science s’enfonce dans la matière, plus elle rejoint les visions spirituelles de l’unité. Strømme va un pas plus loin : elle cherche à traduire cette unité dans les équations mêmes de la physique.
Ce dialogue entre la science et la sagesse laisse entrevoir ce que pourrait être une approche intégrale, où l’observation extérieure et l’expérience intérieure cessent de s’opposer mais se fertilisent mutuellement.
Car, comme le dit la tradition taoïste, celui qui regarde vers l’extérieur rêve ; celui qui regarde vers l’intérieur s’éveille.
C'est en partie vrai, mais sans regard à la troisième personne, le regard vers l'intérieur ne peut produire un éveil complet à lui tout seul, comme l'ont expliqué de manière très convaincante Jack Kornfield ou Ken Wilber.

Fabrice Jordan

« Lux Prima – La Lumière au-dessus des Eaux »
Gravure de Heinrich Khunrath (Amphitheatrum Sapientiae Aeternae, 1609), illustrant la première émanation de la Lumière divine au-dessus des eaux primordiales.

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samedi 6 décembre 2025

A mon âge …

 

Des personnes qui ont dépassé la soixantaine me disent que la Voie tracée par Graf Dürckheim les attire. Nombreuses sont celles qui regrettent de n'avoir pas entendu parler de ce chemin qui a pour but l'éveil au vrai soi-même plus tôt et pensent qu'à leur âge c'est sans doute trop tard. Je ne pense pas qu'il soit trop tard.


Lorsqu'on fête son 60ième , son 70ième anniversaire ou comme c'est mon cas son 90ième anniversaire, c'est qu'on respire encore. Et je vous pose une question qui va vous paraître 
curieuse : - Quel âge a votre respiration ?

Au cours d'une journée, que vous soyez allongé, assis, debout ou en train de marcher vous respirez ! Jour et nuit vous respirez. Et cette action vitale n'a pas d'âge. Elle s'organise et se réalise d'instant en instant selon un ordre des choses qui dépasse tout ce que nous sommes à même de faire. Respirer est inné. Respirer est naturel. Respirer relève de l'ontologie. Respirer est infaisable. Je suis obligé de respirer ... même la nuit. Respirer est non seulement existentiel mais essentiel. Respirer relève de l'ontologie, du verbe être, de l'acte d'être.

Ce qui importe lorsqu'on chemine sur la Voie qu'est le zen est la découverte de cette part essentielle de nous-mêmes qui est faite ... d'infaisable. Il n'est pas d'âge pour se mettre en chemin vers une telle découverte.

Quelle que soit la couleur de ma peau, quel que soit mon âge, quel que soit mon vêtement de métier, que je sois croyant, agnostique, athée en ce moment je inspire et moi je n'y suis pour rien ; je expire et moi je n'y suis pour rien.

C'est ce qu'il y a d'infaisable qui est la source de ces qualités d'être qui ont pour nom : le calme intérieur, la confiance en soi et la simple joie d'être. Il n'est pas d'âge qui empêcherait ou favoriserait l'expérience de notre état de santé fondamental.

Pas d'âge mais un devoir incontournable : cesser de fuir l'essentiel.

Ce devoir implique de prendre un chemin inhabituel : la pratique d'un exercice. Le chemin est la technique ; la technique est le chemin.

Quel exercice ? Le premier consiste à porter attention à la respiration. L'homme occidental pense que la respiration est quelque chose : une fonction physiologique.


Dans ce cas il y a moi et il y a quelque chose qui n'est pas moi, la respiration. Point de vue dualiste sur le réel.

Le jour où j'ai entendu Graf Dürckheim dire "La respiration est la signature de la Vie" je ne pouvais plus penser la respiration comme étant quelque chose. Au moment même, sans l'avoir prémédité, je me sentais emporté par ce geste de la Vie toujours en train de créer des formes vivantes. Je me sentais habité par cette loi qui veut que être c'est devenir et que devenir c'est être. Et qui plus est, être c'est maintenant, en ce moment au cours duquel j'inspire ... en ce moment au cours duquel j'expire ! Il n'y avait plus le passé, le présent, le futur. Il n'y avait plus que le présent.

Lorsque l'attachement au passé (qui existentiellement a été, et plus jamais ne sera) et lorsque l'attachement au futur (qui existentiellement est à venir peut-être) laisse place au moment présent vous êtes libéré des désirs et des craintes qui polluent votre vie intérieure.

" Si vous pratiquez vraiment zazen le corps prend la forme du calme". Je ne cherchais plus à comprendre cette indication que renouvelait le maître Zen qui est venu au Centre pendant une dizaine d'années. Je me sentais immergé dans ce grand calme qui n'est pas le contraire de l'agitation mais l'absence de toute agitation.

Malgré ces quelques indications des personnes pensent qu’à cause des désastres propres au grand âge elles ne pourront pas bénéficier de certains exercices. À la personne qui m'a écrit qu'il lui était impossible de s'asseoir dans la position du lotus j'ai répondu que je lui interdirais de s'asseoir dans un positionnement inconfortable et quelle pourrait pratiquer zazen sur une chaise. Le zen qui est envisagé comme étant une ascèse mortifiante n'est pas le zen. Le zen est une ascèse vivifiante accessible à tout âge.

Aux membres du troisième et du quatrième âge je me permet une confidence. C'est la toute première fois de ma vie que je fais l'expérience de vivre à quelques semaines d'un 91ième anniversaire. Oui, la toute première fois. Ce que je vis et comment je le vis est absolument ... neuf. Et c'est loin d'être inintéressant.

Pour le décrire je suis obligé de sortir du carcan qu'est la grammaire. Je ne peux plus écrire Je-suis ou Je-inspire. Pour exprimer ce que je sens et ressens me voilà obligé d'écrire JeSuis et d'écrire JeInspire.

Parce que, en vérité, il n'y a ni distance ni écart de temps entre le sujet et le verbe. Pas de séparation. Pas d'opposition. L'expérience d'être UN en soi-même et avec tout. La pensée divise et oppose. La sensation unit, joint.

Et, comme le rappelle l'histoire de la vague qui lorsqu’elle se sent unie à l'océan vit son parcours dans le monde dans un sentiment de sécurité, il est vrai que lorsqu'on pratique vraiment zazen, le corps vivant, le corps que nous sommes prend la forme du calme.

D'autant plus si le grand âge vous emporte on ne sait ni où ni quand, ne demandez pas qu'on vous explique ce qu'est le zen et pourquoi pratiquer zazen afin d'avoir de bonnes raisons pour pratiquer.

Lorsque j'ai demandé à Graf Dürckheim s'il pouvait me donner une bonne raison pour pratiquer zazen quotidiennement il m'a répondu " Oui. Je peux vous donner une bonne raison ... pratiquez parce que c'est l'heure de pratiquer".

(C'était le jour de mon 30ième anniversaire !)

 Jacques Castermane

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vendredi 5 décembre 2025

Le Rein, c'est pas rien

 Je vous propose de vous faire un tour de Rein.





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source : Tsubook App

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jeudi 4 décembre 2025

Quelques fruits

 

être triste
et être content
être déchiré
et s’éprouver entier
se sentir atteint
et se sentir bien
être préoccupé
et ne pas s’inquiéter
être humain pleinement
et l’être relativement
vivre avec son âme
comme avec son esprit
il y eut un travail
en voici quelques fruits

Gilles Farcet

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mardi 2 décembre 2025

Pas moi

 


« Je ne suis pas moi.
Je suis celui
qui va à mes côtés sans le voir
que parfois je vais voir
et que parfois j’oublie.
Celui qui se tait serein quand je parle
celui qui doucement pardonne quand je hais
celui qui se promène où je ne suis pas
celui qui restera debout après ma mort. »
Juan Ramón Jiménez 1881-1956
peinture : Richard Morin

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lundi 1 décembre 2025

Petits exercices d'écoute d’autrui


Pour s’entraîner à écouter l’autre quand il nous parle :

1- Tout d’abord, effectuer une bonne respiration, en prêtant une grande attention, pendant quelques secondes, au souffle qui entre et qui sort des poumons. On élimine ainsi les pensées parasites et toutes réponses préconçues. On se met dans une disposition d’ouverture pour recevoir la parole de l’autre sans aucun préjugé, et pour entendre ce qu’il dit et non pas ce que l’on se dit à son sujet. Il se produit alors une véritable RENCONTRE.

2- Se mettre à sa place pour comprendre son point de vue sans lui imposer le nôtre. Pour cela, il est bon de reformuler ses propos avec nos mots et lui demander si l’on est bien fidèle à ses dires.

3- Notre intuition a sa logique que la raison ne connaît pas. Il est donc très utile de la laisser parler et surtout de l’écouter. Si on lui laisse libre cours, elle ne manquera pas de se manifester.

Françoise Réveillet - Petites pensées pour voyager léger

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