Je me ramène constamment à l’instant et je me regarde de seconde en seconde. J’ai l’impression que je suis un personnage dans une bande dessinée, personnage auquel je m’identifie de moins en moins.
Je vois clairement le personnage qui agit, réfléchit, pense, pleure, rit, espère et parle dans sa tête. Il entretient une conversation avec lui-même, un monologue. Il ne parle que de lui, il ne rêve que de lui. Il s’évalue. Il rêve d’arrêter la souffrance, la sienne et celle des autres. Il rêve d’amour, de pouvoir, d’alliance. Il rêve d’éliminer la peur. Se croyant emmuré dans une prison de chair, il rêve de stabilité. Je ne fais aucun mouvement pour l’arrêter, pour le changer. Je veux juste voir comment il fonctionne.
J’écoute attentivement le monologue dans la tête de Betty : « J’ai peur d’avoir manqué le rendez-vous avec le grand amour; peur que la mort de ma mère m’ait fragilisée au point de ne plus être fonctionnelle; peur que Dieu existe et que je ne l’aie pas trouvé, moi qui l’ai renié cent fois; peur d’avoir manqué le bateau existentiel, d’être malade, déséquilibrée, seule, de mourir abandonnée. »
Ce personnage qui rêve est désormais laissé à lui-même. Il rêve librement sous le regard d’un observateur vigilant.