mardi 28 octobre 2025

Plantes en modèle

 


"Ce coin de jardin, à l'abri de tout, n'est-il pas merveilleux ? La silhouette des lotus, si attirante, le gazouillis des loriots si agréable ? Apparemment, tous les êtres jouissent du bonheur d'être là. Il n'y a rien à en dire.

Et les hommes, dans quel but sont-ils venus sur Terre ? Que ne connaissent-ils la même lenteur, la même confiance et le même bonheur de vivre que les plantes",

François Cheng, L'éternité n'est pas de trop,

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lundi 27 octobre 2025

La pratique, telle quelle.


"Quand les nombreuses empreintes mémorielles se réactivent, je reviens toujours à l’instant, sans aucune interprétation. Calmement, j’accueille l’instant, peu importe comment je l’interprète. L’instant est d’une parfaite précision, car, tel un miroir, il reflète qui je crois être.
Si les émotions me brûlent, je reste là, dans l’instant, sans bouger, sachant qu’elles sont passagères. Si j’ai l’impression que rien ne semble arriver, je reste là, de la même manière! Si tout semble évoluer ou se détériorer, je reste toujours là. Tout est vu comme passager. Habituée à gérer des excès d’agitation et de crispation, quand je ressens une impression d’ennui, je reviens à l’instant présent, où toute possibilité d’identifier un état vole en mille éclats.
Je reste là sans rien attendre, détendue, sans fuir, sans retour dans le passé, sans cette habitude de toujours puiser dans des références apaisantes, sans imaginer un futur réconfortant. En même temps, le corps me donne parfois un message de forte tension, provoquée par l’opposition entre mon ancien mode de fonctionnement (croire) et celui-ci (voir).
Me remettre continuellement dans l’instant désencombre le mental et me rend disponible pour voir."
Extrait du livre de Betty "La Fraîcheur de l'instant, la fin d'un rêve d'individualité".

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dimanche 26 octobre 2025

Les feux de paille


 Aujourd'hui, et de plus en plus, une grande partie des cheminants spirituels cherchent une forme d'intensité. 
Physique, au chaud ou au froid extrême, dans l'intensité de l'effort lui-même. Dans les émotions fortes, fussent elles d'amour et de compassion, qui ne sont souvent que des formes de sensiblerie convenues. Dans les états de conscience extraordinaires.

Alors on consomme, champignons, verdures de toute sorte, chants extatiques, rituels néo druidiques si possible au clair de lune. On cherche l'intensité avec le postulat conscient ou pas que celle-ci serait garante de  transformation ou de changement. Il n'en n'est malheureusement rien. Mais il faut des années de pratique pour s'en rendre compte. 

La transformation et le déploiement ne viennent pas de l'intensité, qui entraîne simplement le plus souvent un effet yoyo. Ils viennent non pas de l'intensité et de la motivation, mais de la persévérance.

Ils viennent de la cohérence interne d'une méthodologie éprouvée par des générations à laquelle le ou la pratiquante accepte de s'exposer avec courage et sur le long terme.

Pas d'une vague juxtaposition de 12 outils issus de 8 traditions incohérentes entre elles. Qu'on change quand un angle de notre ego risque d'être démasqué. 

Qu'on pratique cette juxtaposition pour soi est une chose, on n'expose que soi-même au principal risque d'un tel choix : la stagnation. Qu'on veuille en faire un chemin pour d'autres procède par contre d'une forme d'aveuglement.

Les feux de paille peuvent être très beaux, parfois fascinants.

Ils ne sont malheureusement pas de la même nature que le Feu alchimique, Transformateur, même s'ils peuvent faire illusion quelque temps. 

Bonne réflexion et pratique

Fabrice Jordan 

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samedi 25 octobre 2025

Transmission


"Qu'aimerions-nous transmettre à nos enfants ? Une belle image de nous-même, de sorte qu'ils nous voient plus beaux que nous ne sommes en réalité ? À quoi bon ? Des biens matériels ? C'est leur mettre entre les mains un monceau de problèmes. Notre présence ? Que nous le voulions ou pas, ils seront séparés de nous quand nous mourrons.
Ce qu'en revanche nous pouvons leur léguer, c'est une source d'inspiration, une vision des choses qui ait un sens et qui puisse leur donner confiance à chaque instant de leur vie. Pour cela nous devons bien sûr acquérir nous-mêmes une certaine assurance, une certitude intérieure. Or, ce sentiment ne peut à l'évidence venir que de notre esprit ; il est donc grand temps de nous occuper de celui-ci."

Jigme Khyentse Rinpoche (b. 1964)
Transmis par Matthieu Ricard
📷 : Petite fille de la région de Denkhok, Tibet oriental, avec son oncle, un ermite qui a passé douze ans en retraite. 2003

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vendredi 24 octobre 2025

« Salut, toi, je te connais. »

Y a-t-il eu, par la suite, des moments moins évidents ?

Pendant vingt-cinq ans, j’ai été royalement tranquille, vivant avec cinquante euros par mois. Mais, en 1997, on me contacte pour me proposer un livre de dialogue avec mon père. J’accepte, mon père vient me voir, on a des échanges très sympas - vraiment, sur le moment, c’est un projet très agréable à mener. Quelques mois plus tard, Le Moine et le Philosophe* sort en librairie. Tout de suite, les ventes explosent. Je me retrouve à répondre, avec mon père, à toutes les interviews possibles et imaginables, à être convié aux quatre coins du globe ; et, dans la rue, on commence à me reconnaître - comme si, inconnu la veille, j’étais devenu, du jour au lendemain, un type formidable [rires]. Il y avait quelque chose de très étrange, pour moi, à vivre cette frénésie, quand mon travail dans l’humanitaire me faisait côtoyer la pauvreté extrême, des familles terriblement démunies, plongées dans des situations très douloureuses... Je me demandais, au fond, si cette notoriété subite était une opportunité ou, au contraire, le début des ennuis.

Aujourd'hui, vous en diriez quoi ?

Mon père a écrit « Le supplice de la notoriété * ». Je n’irai pas jusque-là [rires], mais j’ai vraiment pensé que ce premier livre serait le dernier. Sauf qu’on a continué à m’inviter, pour des conférences, des rencontres, des interviews, et qu’on m’a vite proposé d’écrire à nouveau. Je suis allé voir le fils de mon premier maître, qui écrivait aussi, pour lui demander son avis. Il m’a dit : « Ne refuse rien. » Et j’ai plongé dans le maelström pendant vingt-cinq ans. J’ai enchaîné vingt livres sans en avoir réellement l’intention. Je l’ai fait, parce que c’était un moyen de faire circuler des idées qui m’étaient chères. Et d’aider, de manière très concrète, celles et ceux dont je me préoccupais : mes droits d’auteur ont toujours été reversés à mon association. Et ça, ça veut quand même dire que, chaque année, cinq cent mille personnes au Tibet, en Inde ou au Népal, grâce à Karuna, grâce aux bénéfices générés par mes livres, vont avoir accès à l’éducation, à la santé, à un jardin potager, etc. Donc oui, j’aurais pu rester dans une grotte et je ne l’ai pas fait. Mais je ne le regrette pas : j’ai vaguement le sentiment d’avoir été utile.

Comment envisagez-vous la suite ?

La fenêtre se rétrécit. Je peux mourir demain. Si j’ai quelques mois, quelques années de plus à vivre, j’en serai très heureux. Pour les bouddhistes, la vie humaine est très précieuse. A condition d’utiliser chaque moment pour progresser vers la connaissance et la mettre au service des autres. Donc si j’ai des trous dans mes chaussettes, je ne vais pas perdre mon temps à les repriser. Je n’ai plus ce temps-là. C’est le moment ou jamais de vivre dans mon ermitage, de me plonger à fond dans la vie spirituelle et de voir les amis qui me sont chers.

Quel rapport avez-vous à votre propre mort ?

Le bouddhisme met la mort et l’impermanence au cœur de ses réflexions. On va mourir, on le sait -c’est juste qu’on ne sait pas quand. Ça n’est pas morbide, c’est un fait. Se familiariser avec cette idée-là permet de donner toute sa valeur à chaque instant qui passe. Il n’y a aucune tristesse là-dedans, au contraire : quelle joie, j’ai encore une journée ou cinq ans à vivre ! Au début, quand on pense à la mort, on se débat comme un cerf pris au piège, parce que la pers­pective nous est insupportable. Progressivement, on peut devenir comme ce paysan qui a bien cultivé, bien labouré, bien planté son champ : s’il grêle, il n’aura pas de regret, il a fait ce qu’il a pu. Dans une pratique encore plus avancée, on peut accueillir la mort comme une amie : « Salut, toi, je te connais. » On l’aborde alors dans une grande sérénité. Quand on en est là, c’est qu’on a atteint une telle liberté intérieure, un tel déta­chement vis-à-vis des choses matérielles, qu'on peut lui faire face sans se préoccuper de ce qu’on laisse der­rière. Moi, j’aimerais être lucide, au moment où elle arrivera. Qu’elle me cueille en pleine méditation. Je voudrais mourir conscient.1 2

[1]             Le Moine et le Philosophe de Jean-François Revel et Matthieu Ricard (Pocket. 1999).

2             « Le Supplice de la notoriété. I et II ». articles publiés en 1998 dans les n° 83 et 84 de la revue Commentaire.

Extrait de l'interview de Matthieu Ricard à Psychologies Magazine (août 2025)

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jeudi 23 octobre 2025

Extraits de pages


J'ai vidé la page pour que tu puisses entrer.
Pour que tu t'habitues aux couleurs de chaque mot.
Assieds-toi près du centre, à côté de ma main.
Demain je n'aurai pas fini.
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Le soir sur le chemin
je ne rejoins que mes pas
creusés comme un visage
mais je sais
que plus loin
je suis aimé par un ruisseau.

Thierry Metz - Lettres à la Bien-aimée et autres poèmes
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mercredi 22 octobre 2025

Marche avec Dieu


Afin de vraiment grandir intérieurement,
vous devez d’abord être testé de toutes parts.
Les choses ne peuvent pas se dérouler
comme vous le souhaitez.
Vous ne pouvez pas contrôler la vie
ou vous attendre à ce qu’elle réponde à vos projections.
Si les choses étaient toujours faciles,
vous iriez dormir à l'intérieur de votre être.
À mesure que vous devenez plus sensible,
plus alerte, intuitif, ouvert et silencieux,
la peur, la résistance et la léthargie s'apaisent
et sont remplacées par un calme profond
et une foi dans l'Invisible.
Même si aucune compagnie n'est vue à vos côtés,
celui qui marche avec Dieu n'est jamais seul.
~ Mooji

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mardi 21 octobre 2025

Je me moque


 « Je me moque de la peinture. Je me moque de la musique. Je me moque de la poésie. Je me moque de tout ce qui appartient à un genre et lentement s'étiole dans cette appartenance. Il m'aura fallu plus de soixante ans pour savoir ce que je cherchais en écrivant, en lisant, en tombant amoureux, en m'arrêtant net devant un liseron, un silex ou un soleil couchant. Je cherche le surgissement d'une présence, l'excès du réel qui ruine toutes les définitions. Bach est plus que musicien. Soulages est plus que peintre. Rimbaud n'est poète que secondairement, comme les cendres qui retombent en papillons du volcan — ses poèmes. Je reconnais dans ces insensés ce qu'apprend avec effroi le nouveau-né, chaque fois que le visage de sa mère lui réapparaît, crevant la toile de l'air comme le lion le cercle de feu : il y a une réalité infiniment plus grande que toute réalité, qui froisse et broie et enflamme toutes les apparences. Il y a une présence qui a traversé les enfers avant de nous atteindre pour nous combler en nous tuant. »

🖊️Christian Bobin

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lundi 20 octobre 2025

Soif divine

 


Un autre extrait sonore du livre de Amélie Nothomb à boire avec les oreilles.

Ouvrir l'extrait audio



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dimanche 19 octobre 2025

Croire

 


Voici, de manière sonore, les dernières phrases du livre d'Amélie Nothomb, intitulé Soif, où elle donne la parole à Jésus :

écouter l'audio





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samedi 18 octobre 2025

En l'honneur de Pierre Dhainaut

Quelques bribes en retour du colloque en cours abordant l'œuvre de poète Pierre Dhainaut, présent à l'occasion de ces 90 ans.


 - Le miroir n'ajoute pas la lumière,
à ton visage de l'épanouir au-delà 
du cadre.

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- Suivons-nous un chemin ? L'inventons-nous ?
Par amitié nous léguerons
quelques indices à ceux qui viendront
après nous.

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- Tant que tu seras incapable de reconnaître
un arbre au bruissement de son feuillage,
en hiver, tu te tiens à l'écart.

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- Naissance qui se recrée à tout moment, 
sois disponible

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Entre deux paroles comme entre deux silences,
permettre aux fruits de mûrir.

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A Sabine Dewulf & Sabine Zuberek qui ont proposé la centième ligne :

Entre nos traces l'air frémit
des noms aimés : La source
nous traverse.

Pierre Dhainaut - "Mais toi, rien ne t'annonce"
Extraits tirés de ce recueil publié à l'occasion du colloque "Rythmes du monde dans la poésie de Pierre Dhainaut"

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vendredi 17 octobre 2025

Ecoute de l'aube

 On
me dit que tout finit par s’adoucir, 
qu’il existe au printemps une pâte nouvelle
pour faire son pain de la douleur...

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On
me dit que tout revient à la source de tout,
que les gestes aujourd’hui serviront à cela :
une servante d’amour redonnée à l’amour...

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Le
paysage, ce matin, a-t-il changé ?

On
dirait qu’il s’accoutume
à cette manière nouvelle de la présence,

facilement,
comme s’il attendait
depuis longtemps que tu l’habites,

et
présides sans peser à ses métamorphoses :

voici
qu’aujourd’hui il te répond, 

et
t’offre ce tremblement léger
dans la couleur de l’aube.

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Patricia Castex Meunier - Infiniment Demeure (Ed. Cheyne)
(une très belle personne que j'ai eu la chance de rencontrer récemment)
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jeudi 16 octobre 2025

Projection entre mondes

 


"Personne ne peut vous connaître et donc personne ne peut parler de vous.

Chacun a des pensées à votre sujet et exprime ses opinions sur l'image qu'il s'est faite de vous et non sur vous.
Alors, pourquoi vous troubler?
Vous devez rester calme et silencieux comme s'ils parlaient de quelqu'un d'autre."
Swami Prajnanpad



Accord toltèque n°2 : Ne prenez rien personnellement On a tendance à croire que tout tourne autour de nous. Un regard de travers, un message non répondu, une critique au boulot… Et tout de suite, on se sent attaqué. Pourtant, ce que l’autre dit ou fait reflète son propre monde intérieur, pas votre valeur.

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